
J’ai peur que l’eau se tarisse,
L’effroi même est un ruisseau.
Qui suis-je pour croire au pouvoir du pinceau,
Quand l’ombre trace seule le cours de l’eau ?
Que la source vive devienne lisse,
Qu’un désert s’étende sans malice,
Où l’écho du flot se perd sans trace,
L’empathie se brise dans la glace.
Le ciel d’azur, hier encore splendide,
Se voile d’une brume acide.
Les rivières, jadis limpides,
Se taisent, frêles et timides.
Non pas la simple soif qui mord la chair,
L’aridité du souffle délétère,
Lorsque la sève du monde se fait amère,
L’onde s’efface dans l’éphémère.
Mon inspiration, fragile cascade,
Se trouble soudain, perdant son aubade.
Chaque mot jaillit comme un cri discret,
Tombe au sol, en silence muet.
J’ai peur du silence aride,
De ma mémoire à jamais vide,
L’appel d’une idée semée,
Ne trouve nul lieu pour germer.
Sous la roche longue et patiente,
Un fil d’argent, discret, résiste.
Invisible aux regards trop pressés,
Un vent ancien y reste enlacé.
Alors j’attends. Je creuse, sans repère.
Je parle au vent, j’écoute la lumière.
Tout désert contient un fil d’eau,
Qu’un seul élan suffit à réveiller l’écho.
Ne t’arrête pas, parole hésitante,
Même au milieu d’une terre dormante.
Toute soif dessine un appel,
Chaque vide prépare l’essentiel.
Parfois, sous la lune silencieuse,
Je vois frémir l’eau mystérieuse.
L’onde y palpite en reflets apaisés,
Mes mots plongent, comme aimantés.
Il suffit de la brise, instant fécond,
Faisant jaillir un torrent sans fond.
Tant que l’eau murmure dans mes veines,
J’écris pour conjurer les peines.
Christophe R / Ecrivain77